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DISCOURS DE MOHAMED BOUAMATOU DEVANT L'UNESCO

Discours de Mohamed Bouamatou devant l'UNESCO lors du cycle de conférence sur « le Soft Power de l'UNESCO aujourd'hui »

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Chers amis,

 

Merci d’être venus si nombreux à cette conférence qui doit tous nous aider à promouvoir l’autonomisation et le leadership des femmes dans le monde.

 

Depuis presque trente ans, je m’active dans mon pays, puis dans ma sous-région, pour faciliter l’accès à l’éducation des enfants, et à l’enseignement supérieur des femmes. J’ai construit de nombreuses écoles primaires, secondaires et des lycées dans mon pays, la Mauritanie. J’ai participé au financement du nouveau lycée français de Nouakchott tant j’attache de l’importance à l’excellence, et je contribue au fonctionnement d’un centre au Maroc hébergeant des lycéennes désireuses de pouvoir suivre des études supérieures. J’ai également fait construire en 2004 l’extension de la Maternité de l’hôpital Cheikh Zayed à Nouakchott pour lutter contre la mortalité maternelle.

 

Ces actes de philanthropie me paraissent totalement nécessaires car je crois en l’égalité des chances. Je considère que chaque individu sur notre planète devrait pouvoir bénéficier de toutes les infrastructures lui permettant de progresser, d’apprendre, de s’éduquer, de se cultiver. Le renforcement de l’Etat de droit doit être au cœur de nos objectifs pour que le pouvoir ne soit plus un raccourci pour l’enrichissement. Les droits de l’Homme doivent être respectés pour lutter contre la pratique de l’esclavage et la torture sous toute ses formes, quel que soit le pays qui le pratique ou l’être qui le subit.

 

C’est la raison pour laquelle j’ai créé en 2015, avec mes amis Me Georges Henri Beauthier et Me William Bourdon, la Fondation pour l’Egalité des Chances en Afrique, qui s’efforce à soutenir des projets renforçant l’égalité des chances par l’éducation, la justice, la santé et les droits de l’Homme. A la recherche de l’égalité des chances, et donc de l’égalité des genres, la Fondation soutient par exemple :

  • le Dr Denis Mukwege, « l’homme qui répare les femmes », en soignant des victimes de crimes sexuels de masse en République démocratique du Congo,

  • la Maison Shalom de l’activiste burundaise Marguerite Barankitse, qui accueille et assure l’éducation de milliers d’orphelins,

  • ou encore en Mauritanie l’Association des Femmes Chef de Famille de l’activiste féministe et anti-esclavagiste Aminetou Mint Moctar

 

Il était naturel pour la Fondation d’appuyer l’UNESCO dans l’organisation de cette conférence. Car depuis votre arrivée à la tête de cette organisation, Madame la Directrice générale, l’UNESCO est devenue incontournable dans la promotion des valeurs sensibles à la Fondation. Vous avez su ériger comme priorités le développement de l’Afrique et l’égalité des genres que l’UNESCO considère comme un droit fondamental de la personne humaine, un fondement de la justice sociale, et une nécessité économique.  

 

L’UNESCO a su se concentrer sur l’accès à l’enseignement secondaire pour les femmes et sur l’alphabétisation. Au Kenya par exemple, la formation offerte à 30 chefs d’établissement et 60 professeurs du secondaire a permis d’assurer un nombre conséquent de formateurs d’enseignants qui sont maintenant attentifs aux questions de genre. En Ethiopie et en Tanzanie, l’UNESCO a mis en place un projet d’engagement participatif pour l’éducation des filles visant à réduire leur taux d’abandon scolaire. Au Sénégal, 6500 filles et femmes réparties dans plus de 200 classes ont reçu une formation et ont amélioré leur niveau d’alphabétisation. Et tant d’autres projets ont été mis en place.

 

Depuis plusieurs années maintenant, l’UNESCO a renforcé son plaidoyer pour la promotion de la place de la femme dans la culture. En 2011, l’UNESCO a créé un partenariat mondial pour la scolarisation des filles et des femmes. En 2015, l’organisation a créé l’Alliance mondiale genre et médias et a placé l’égalité des genres au centre du Programme pour la gestion des transformations sociales, le MOST, qui est un programme scientifique intergouvernemental dédié aux transformations sociales.

 

Alors comment aujourd’hui ne pas apporter son soutien aux activités de l’UNESCO ?

 

Dans un monde de plus en plus clivé, dans un monde déchiré par l’extrémisme religieux ou nationaliste, par le repli sur soi, le radicalisme, la haine, le terrorisme, il est plus important que jamais de s’assurer que les femmes ne soient plus perçues comme une minorité, qu’elles ne soient plus placées sous le joug autoritaire de l’homme, qu’elles bénéficient des mêmes droits politiques, sociaux, culturels et économiques que les hommes.

 

Alors que j’appartient à une religion qui est souvent stigmatisée comme celle participant à la soumission de la femme, je crois avec force à l’ascension sociale de la femme dans toutes nos sociétés. Moi le premier, musulman et simple fils d’un commerçant traditionnel, je suis fier de mes filles Leila et Ghlana. La première vient de terminer major de son PhD à la Fox School of Business de la Temple University de Philadelphie, la seconde va commencer sa troisième année de droit à l’Université Paris 2 Assas.

 

Il n’est jamais facile de parler des questions de genre. Ce débat peut rendre les individus inconfortables, voire les irriter. Parce qu’il n’est jamais agréable de penser à changer le statu quo. Mais durant cette conférence, personne ne doit avoir peur de s’exprimer ou de ne pas se sentir en position de parler. Ici, ce sont les libertés de penser et de s’exprimer qui doivent dicter toute forme de débat.

 

Alors oui, tous ensemble, unissons nos forces pour pérenniser l’héritage de Mme Bukova. Pour que l’égalité des genres reste au cœur des priorités du 21e siècle.

 

La société du 20e siècle, comme celle des siècles derniers, s’est construite sur une maquette unique, celle de l’homme. Son projet demeure, pour l’essentiel, masculin. Or, le 21e siècle doit être celui des femmes. Car il n’y aura pas de paix, ni de justice, ni de développement durable sans la moitié de la population mondiale. Car l’égalité des genres est un facteur déterminant de la réalisation de tous les objectifs de développement convenus au niveau international.

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Tous ensemble, formons le vœu que le prochain Directeur général, ou plutôt je l’espère, la prochaine Directrice générale, garde vivantes ces priorités fondamentales que sont l’égalité des genres et l’Afrique.

 

Nous sommes tous frères, disait Gandhi. Aujourd’hui, nous devons tous être sœurs. Je vous remercie.

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Mohamed Bouamatou

   31 juin 2017

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